extraits
Murjane

prologue
SAINT-MICHEL
AL
le pouvoir est dans la rue
ANTOINE
où ça
AL
sous les pavés la plage
HENRI
place quoi
ANTOINE
la plage du champ de mars
AL
je jouis dans les pavés
HENRI
c’est dégueulasse
AL
ce n’est qu’un début continuons le combat
HENRI
vous cherchez quoi monsieur
AL
du bonheur et rien d’autre
ANTOINE
excusez-moi
AL
le bonheur est une idée neuve
ANTOINE
c’est un fou viens
AL
mort aux tièdes
HENRI
attends c’est à moi qu’il parle il m’a insulté là tu l’as entendu comme moi
AL
la parole est un cocktail Molotov
HENRI
je vais lui péter la gueule
ANTOINE
il n’a pas toute sa tête
AL
enragez-vous
HENRI
tu comprends ce qu’il dit
AL
prenez vos désirs pour des réalités
HENRI
qu’est-ce qu’il raconte
ANTOINE
vous êtes sûr que vous allez bien monsieur
AL
d’abord contestez-vous vous même
HENRI
il se fout de notre gueule
ANTOINE
qui c’est ce type tu l’as déjà vu
AL
je suis marxiste tendance Groucho
ANTOINE
qu’est-ce que vous faites
AL
tout et tout de suite
HENRI
quoi
AL
nous décrétons l’état de bonheur permanent
ANTOINE
l’état de bonheur permanent
AL
vivre sans temps morts jouir sans entraves
HENRI
jouir il est complètement déjanté
ANTOINE
vous voulez qu’on vous aide
AL
soyez réalistes demandez l’impossible
HENRI
tu vois il en est conscient
AL
quand le monde merveilleux devient quotidien c’est qu’il y a révolution
ANTOINE
la révolution c’est complètement dépassé
AL
changer la vie c’est transformer son mode d’emploi
HENRI
il a bu
AL
il faut du rouge pour sortir du noir
ANTOINE
il n’y a plus rien à changer tout est pourri
AL
l’imagination au pouvoir
HENRI
le pouvoir aussi est pourri il faut se mettre au goût du jour c’est la merde partout
ANTOINE
tu exagères un peu ça sert à rien de discuter avec lui
AL
exagérer c’est commencer d’inventer
HENRI
je ne sais pas ce que tu vas inventer il n’y a plus rien à inventer il n’y a plus rien à faire tout est dit envolée l’imagination il n’y a plus d’imagination
AL
les motions tuent l’émotion
HENRI
je suis d’accord avec toi on ne doit plus rien attendre d’eux et de leurs machins
ANTOINE
viens on y va
HENRI
attends lâche-moi je peux discuter avec lui
ANTOINE
il faudrait les interdire ces mecs-là
AL
il est interdit d’interdire
HENRI
tu as entendu je discute avec mon ami
ANTOINE
très bien j’y vais
AL
cours camarade le vieux monde est derrière toi
ANTOINE
toi ferme ta gueule ou je t’en mets une
AL
l’encre s’enrage la rage s’encre
HENRI
laisse-le reviens j’arrive
AL
professeurs vous êtes vieux et votre culture aussi
ANTOINE
vite on court
AL
mettez un flic sous votre moteur
HENRI
mai soixante-huit c’était quand
© Christophe Martin, 1993